« Du 13 au 28 avril dernier, j’ai eu la grâce de retourner à Pama pour vivre la Semaine sainte et célébrer la grande fête pascale avec toute cette population qui n’avait pas eu de messe depuis le 21 février. Ceci grâce à un vol humanitaire qui permet de rejoindre les zones rouges où les routes ne peuvent être empruntées à cause de l’insécurité.
Je suis arrivé à Pama vers 11 h 30 et, à ma grande surprise, à la sortie de l’hélicoptère j’ai vu une foule qui m’attendait en chantant » Soyez le bienvenu ! « , tout le monde voulait me serrer la main, c’est dans cette ambiance que je me suis dirigé vers la paroisse. En arrivant à la paroisse, une grande foule criait et sautait de joie, chacun voulait me toucher.
Les gens qui étaient venus me disaient que, depuis une semaine, ils avaient les yeux fixés au ciel. Car ils ne savaient pas s’il y aurait un frère qui viendrait célébrer Pâques avec eux, ils disaient que tout le monde se moquait d’eux en disant que cette année il n’y aurait ni fête pascale ni baptêmes » car vos frères ont fui et vous ont laissés « . Pour eux, mon arrivée est une petite résurrection morale, spirituelle et psychologique, on lisait une joie immense sur leur visage.
C’est avec une grande joie que nous avons commencé les différentes célébrations du Triduum, toutes à partir de 15 h pour permettre à chacun de regagner sa maison avant la tombée de la nuit.
Lors de la veillée pascale, nous avons eu 38 baptêmes d’adultes et plus de 40 confirmands, uniquement dans la ville de Pama car les autres succursales de la paroisse ne peuvent pas se déplacer. Nous étions surpris de voir jusqu’à quel point tout le monde était mobilisé.
La présence massive des forces de défense et de sécurité a rassuré la population pendant toutes nos célébrations.
Nous avons vu que, malgré la situation très tendue, la foi de la population reste vive, on a l’impression que chacun veut régulariser sa relation avec le Christ car, disaient quelques personnes, » on ne sait jamais quand la mort viendra frapper à notre porte « . Les gens découvrent vraiment la nécessité de la présence de Dieu dans leur vie, ils redécouvrent également la valeur de l’Eucharistie et ils l’expriment d’une manière émouvante.
Sans vouloir être pessimiste, j’ai l’impression que la situation se dégrade au jour le jour. Personne ne peut entrer ni sortir de la ville de Pama, étranglée de tous les axes pouvant ravitailler la ville. Si cela dure encore, il y a un risque de morts de faim, de malnutrition et de maladie.
Car les biens de la population (récoltes, bêtes et bétail) sont pillés par les terroristes ou les djihadistes. De plus, la population n’a pas le droit d’aller cultiver ses champs ni de sortir de la ville.
La ville manque de tout. L’approvisionnement en biens de première nécessité et en vivres se fait au compte-goutte, de temps en temps, sous les convois aériens et terrestres, les commerçants ravitaillent la ville en vivres, savons, gaz, piles…
Au niveau moral, tout le monde semble être abattu, on voit que les gens sont découragés, de surcroit la population ne voit pas une sortie de crise. Tout le monde se demande à quel saint il faut se vouer.
Beaucoup de jeunes gens prennent des risques en essayant de fuir la nuit avec les moyens du bord : à pied, à vélos ; certaines femmes s’enfuient la nuit avec leurs enfants en charrette. Certains jeunes vont au Nigeria, au Togo, au Bénin ; d’autre vont dans les grandes villes du Burkina (Fada N’Gourma, Ouagadougou, Tenkodogo, Koupéla…) ».
Photo : Les vestiges des attentats à Pama.