« …Une inquiétude, beaucoup plus grande pour nous que la Covid, est celle causée par l’insécurité, insécurité liée aux terroristes, ou à des islamistes fanatiques, ou à des bandits de grands chemins. Tout est aujourd’hui mélangé et l’armée burkinabé a bien du mal à les contrer car ils sont tous disséminés ou éparpillés et d’une très grande mobilité.
Autant la Covid s’abat sur les villes, autant l’insécurité s’abat sur la brousse.
Car il n’y a que peu de forces de l’ordre et, pour les terroristes, il leur est facile d’attaquer des postes de sécurité où il n’y a guère plus de cinq à dix membres. Heureusement ils ne s’en prennent pas trop aux personnes civiles, s’attaquant principalement à tout ce qui représente l’état burkinabé. Bien des mairies, préfectures, postes de police ou de gendarmerie sont aujourd’hui abandonnés et ainsi les terroristes deviennent maîtres des lieux. Ils s’en prennent aussi aux écoles, surtout primaires, brûlant certaines, demandant aux maîtres d’enseigner l’arabe ou de fermer, pillant les cantines scolaires afin de se ravitailler eux-mêmes en vivres, car le commerce dans les villages de brousse ne fonctionne plus, et même comme dans des centres comme Nouna, on ne peut plus acheter des vivres en grosse quantité sans raisons, ni même du carburant à mettre dans des bidons.
Cela fait six ans, depuis la chute du président Blaise Compaoré, que la situation est ainsi et même s’empire, au point que la population s’énerve contre le gouvernement mais le redressement du pays ne pourra se faire que dans la collaboration de tous : gouvernement, armées, forces civiles et toute la population. Ces jours-ci, un nouveau gouvernement vient d’être mis en place, espérons que ce sera l’occasion d’un vrai déclic.
Le problème le plus crucial est celui de l’enseignement des jeunes. Je ne connais pas le nombre exact d’écoles primaires fermées et même de certains collèges, mais on parle de plus de 4 700 établissements.
Si vous comptez une moyenne de 360 élèves par école, cela nous donne 1 692 000 enfants qui n’ont plus droit à l’école. Cela fait peur, cela fait mal. Certes des enfants ont pu être amenés à quitter le village et à venir dans des centres comme Nouna ou Dédougou, où les classes sont déjà surpeuplées. La qualité de l’enseignement risque fort de baisser. Et que seront ces enfants, demain, sur le marché du travail ?
Autre problème avec les P.D.I. comme nous disons ici ou Personnes Déplacées Internes.
Elles ont fui leurs villages à cause de l’insécurité essentiellement. Conséquence, elles n’ont plus cultivé et se retrouvent sans ressources pour beaucoup. Même à Nouna, les terres disponibles pour la culture ayant été déjà distribuées depuis longtemps, ces nouveaux arrivés ne peuvent plus en gagner. La plupart a vendu aussi ses troupeaux et ses réserves d’argent ont fondu. Que faire pour eux ? Certes la mission ou le diocèse leur vient en aide avec aussi l’État, en fonction des dons que nous recevons, mais que c’est vite fini !
Et c’est alors que nous voyons notre impuissance devant tous ces gens à aider et cela nous fait mal. Oui aider n’est pas facile et merci à vous qui au cours de l’année m’ont envoyé des dons pour aider… ».
Frère Emmanuel Duprez, Frère Missionnaire d’Afrique à Nouna au Burkina Faso, fin décembre 2021.
Photo : cathédrale de Nouna