«N’ayez pas peur ! Vous cherchez Jésus de Nazareth
le crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici» Mc 16,6
Chers frères et sœurs,
Et vous tous, hommes et femmes de bonne volonté, Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité !
L’an dernier avec l’avènement du Covid-19, il nous a été difficile de célébrer la Semaine Sainte et la fête de Pâques. Aujourd’hui il y a de quoi rendre grâce à Dieu pour avoir exaucé nos supplications et prières, car nous voici enfin dans sa maison, rassemblés pour célébrer la Résurrection. Cela montre qu’avec Dieu tout est possible.
Frères et sœurs,
Entrons ce soir dans la grande joie de la festivité solennelle de la résurrection du Seigneur Jésus Christ. Je voudrais commencer cette méditation en vous invitant à contempler avec moi la grandeur de ce mystère. L’événement pascal est totalement bouleversant, l’humanité tout entière en est marquée, il donne un sens nouveau à la destinée humaine. Célébrer Pâques, c’est entrer dans le mystère divin devenu accessible à la contemplation humaine. Nous célébrons ce soir le mystère le plus sublime de notre humanité, nous célébrons la vie, la mort est à jamais engloutie, la vie a triomphé : Christ est ressuscité ! il est vraiment ressuscité !
La joyeuse annonce de Pâques trouve toute son explication dans le projet divin, celui du bonheur de l’homme. L’homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu retrouve ici l’expression profonde de son dessein initial, celui de la vie, la vie avec son Créateur.
Chers frères et sœurs,
On ne peut pas célébrer Pâques sans pour autant faire allusion à l’histoire du salut. À cet effet, les textes de cette veillée pascale orientent notre méditation sur la contemplation de l’événement pascal qui a pour finalité le salut de l’humanité. Car, comme le dit Saint Paul : « Et si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est votre foi » (Cf. 1Co15,17).
L’histoire du salut est celle qui retrace la présence significative et active de Dieu dans l’histoire de l’humanité. Dieu est réellement entré dans l’histoire des hommes. Le temps est désormais chargé de l’éternité. La récapitulation de l’histoire du salut trouve son achèvement en Jésus Christ comme principe et fin de toute la création (Cf. Ep 1,4-5 ; Col 1,16-17). Le Christ est le centre où tout rayonne et vers lequel tout converge.
Le temps de l’Église lui-même est relié vitalement au Christ. Ainsi le salut accompli dans la personne du Christ devient, par la Parole et les sacrements, le salut communiqué à tous les hommes qui forment son corps qui est l’Église.
L’histoire du salut est celle de toute la communauté des baptisés. Chaque chrétien en est le collaborateur. La rédemption habite les cœurs disposés et préparés, donne les fruits en abondance. Le message pascal nous invite à une prise de conscience réelle de notre collaboration sincère à accueillir la gratuité du salut divin donné dans la personne du Fils de Dieu. Les textes de la Genèse et de l’Exode que nous avons lus ce soir, nous exhortent donc à saisir la profondeur du plan du salut proposé par Dieu. Malgré le drame du péché qui a bouleversé l’ordre de la création, Dieu n’a pas renoncé à son projet divin qui est de sauver l’humanité. Dieu prend l’initiative comme véritable pédagogue, par la libération d’Égypte, de conduire l’homme à ce salut à travers l’élection d’Israël avec qui Il scelle une alliance pour en faire son peuple parmi les nations. Pâques est la fête de la libération, fête de rupture avec l’ordre ancien pour embrasser l’ordre nouveau qui procure la joie, le bonheur.
Chers frères et sœurs,
La célébration pascale met en valeur le symbolisme de la lumière. La liturgie pascale s’ouvre par le rite du feu, symbole fort de la résurrection qui marque la victoire lumineuse du Christ sur les puissances des ténèbres. En entrant dans l’Eglise ce soir, le célébrant et les acteurs liturgiques marchaient en procession avec des bougies allumées en mains. En effet, la lumière est un signe qui manifeste visiblement la présence de Dieu. En ce sens, la séparation de la lumière et des ténèbres fut le premier acte du Créateur (Cf. Gn 1,36). De la lumière physique qui alterne ici-bas avec l’ombre de la nuit, on passera à la lumière sans déclin qui est Dieu lui-même (Cf. Jn 1,5). La révélation de Jésus comme lumière du monde donne un relief certain à l’antithèse des ténèbres et de la lumière. En effet, le symbolisme de la nuit dans la Bible renvoie aux ténèbres, c’est-à-dire à tout ce qui a trait aux forces du mal. À cet effet, dans son prologue l’évangéliste Jean affirme : « le Verbe était vraie lumière, qui éclaire tout homme. Mais les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. » (Cf. Jn 1, 9 ; 3, 19).
Dans les ténèbres de l’ignorance, de la corruption, de la haine et de la méchanceté où le péché nous a plongés, le Ressuscité vient nous libérer, nous relever. Comme la splendeur du cierge pascal se répandant progressivement du porche vers le chœur, sa lumière visite nos vies individuelles et communautaires, les tréfonds de notre histoire pour y établir le règne de l’amour et de la miséricorde. Fort de cela, nous devenons porteurs de lumière, de paix, de vie et nous pouvons éclairer les pas de nos prochains et leur communiquer la joie de la résurrection.
Frères et sœurs,
La thématique de victoire nous fait entrer dans la logique du combat. Le combat spirituel que l’Esprit nous a permis de mener durant ces quarante jours du carême trouve ici leur issue heureuse dans la célébration joyeuse de Pâques qui marque la victoire définitive du Christ sur les puissances du mal. En effet, le chemin qui conduit à la victoire est douloureux et nécessite des sacrifices. Le Christ en a fait l’expérience, Lui le Serviteur souffrant, l’Agneau immolé, qui triomphe du Satan, prince de ce monde. À la veille de sa Passion il avertit les siens de ne point craindre le monde mauvais qui les poursuivra de sa haine : « Ayez confiance ! Le monde je l’ai vaincu » (Cf. Jn 16,33).
La célébration pascale rappelle à chaque baptisé son combat spirituel quotidien contre les forces négatives de ce monde. C’est une lutte qui s’avère difficile, acharnée et non impossible. Le sacrifice consentit avec amour et détermination pour vivre en conformité avec sa foi porte le fruit en abondance. Ne soyez pas abattus ni découragés pour les critiques acerbes reçues, pour les incompréhensions, pour les malveillances vécues à cause de votre détermination à suivre les pas du Christ. C’est le chemin loyal qui conduit au bonheur sans fin, c’est le chemin victorieux du passage de la mort à la vie.
Chers frères et sœurs,
L’homme créé par Dieu est appelé chaque jour à découvrir la profondeur et l’immensité de l’œuvre créatrice de Dieu. La création est un langage d’amour que Dieu exprime en faveur de l’homme. Elle est donc l’expression de plan d’amour et de vérité. Elle nous précède et Dieu nous l’a donnée comme milieu de vie. Elle nous parle du Créateur (Cf. Rm 1, 20) et de son amour pour l’humanité. En faisant don de la terre à l’homme, Dieu l’investit d’une mission et d’une responsabilité noble. C’est là que l’homme reçoit l’appel de Dieu pour participer à l’œuvre de la création. Ainsi, Dieu appelle l’homme à devenir co-créateur. En effet, selon la foi chrétienne, affirmer aujourd’hui que Dieu est Auteur de la création, doit nécessairement nous conduire à une nouvelle compréhension de l’homme pour savoir qui il est réellement selon la vision de Dieu. En
célébrant la Pâques du Christ ce soir, l’Eglise nous illumine et nous fait comprendre qu’en créant l’homme, Dieu avait déjà un projet de Salut pour l’humanité en destinant tout homme à une communion parfaite avec Lui. C’est pourquoi, dans l’ordre des créatures, l’homme est mis au sommet de la création. D’où l’exaltation du psalmiste : « Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, le fils de l’homme pour que tu en prennes soucis ? Tu l’as voulu moindre qu’un dieu : le couronnant de gloire et d’honneur. » (Cf. Ps 8, 5-6). C’est dans la grâce de la Résurrection que nous pouvons répondre positivement à cet appel de Dieu en prenant conscience de notre responsabilité pour la défense de l’environnement. C’est dans cette perspective que nous sommes plus que jamais invités à accueillir le message du pape François dans son Encyclique Laudato si ‘ pour la sauvegarde de notre maison commune car une mauvaise gestion de l’environnement rendra la nature hostile vis-à-vis de nous. À cet effet, il affirme avec force : « À cause de nous, des milliers d’espèces ne rendront plus gloire à Dieu par leur existence et ne pourront plus nous communiquer leur propre message. Nous n’en avons pas le droit ».
Aujourd’hui l’homme est en crise avec lui-même, avec ses semblables et avec la nature. Et l’on se demande dans quelle barque l’humanité est-elle embarquée ? La vie, précieux don divin, est désacralisée. L’homme, élevé par Dieu dans la création première, se trouve abaissé par les mauvaises entreprises humaines qui relativisent la vie. Et la dignité humaine s’en trouve bafouée car la vie n’est plus respectée.
Frères et sœurs,
Les événements tragiques du mois de décembre 2020 et de ce début d’année nous ont montré combien le respect de la vie et de la dignité humaine pouvaient être bafoués voire totalement ignorés surtout lorsque le prochain est assimilé à un ennemi : nous l’avons vu de nos yeux, des maisons ont été incendiées, des morts abandonnés à l’air libre, à la merci de bêtes sauvages et qui, à défaut de pouvoir être inhumés ont été incinérés. Nous avons assisté encore au spectacle macabre des corps calcinés, des corps sans vie mais continuant à être torturés, mutilés. Ces morts, ces personnes mutilées, quelle que soient leur provenance, leur appartenance
politique et ethnique sont des enfants de Dieu et des membres de l’unique Corps du Christ. C’est ce corps crucifié, marqué par les stigmates et humiliations injustement subies, c’est lui dont nous célébrons ce soir la résurrection. Jésus qui a le pouvoir sur la vie et la mort nous rappelle que la vie est sacrée et que le corps, fut-il sans vie, ne perd sa dignité, sa sacralité. Ressuscités avec le Christ, nous sommes appelés à faire advenir la nouvelle création inaugurée par le Ressuscité dans un esprit de communion avec nos frères et sœurs. C’est ainsi que dans sa Lettre Encyclique Fratelli tutti, en insistant sur la fraternité et l’amitié sociale, le Saint Père veut nous inscrire sur ce chemin de la fraternité et de la solidarité humaine. Il nous interpelle vivement en affirmant que : « l’histoire est en train de donner des signes de recul » parce que les hommes mettent entre eux des barrières qui les éloignent et les isolent. Aujourd’hui l’indifférence devient la maladie de notre siècle. Or dans notre maison commune nul ne peut échapper aux problèmes auxquels l’humanité tout entière est confrontée. Le Pape cite à cet effet la pandémie du Coronavirus qui a mis à nu nos fausses évidences et certitudes de se suffire à nous-mêmes comme individus, sociétés, pays, continents et institutions. Il a dévoilé notre incapacité d’agir ensemble.
Pour un monde meilleur, nous sommes invités à vivre la fraternité et l’amitié sociale non par des mots mais par des gestes et des actes qui témoignent notre ouverture à toute personne sans distinction de race, de culture et de religion. Car Dieu nous appelle tous à la vie. Pour nous chrétiens, en célébrant la Pâques du Christ, nous célébrons effectivement la vie reçue du Ressuscité dans l’Eucharistie. La Parole de Dieu et l’Eucharistie sont les trésors spirituels qui nous communiquent la vie de Dieu et fondent notre unité. L’Église ne peut vivre et se construire que dans cette intime rencontre avec le Christ dans l’Eucharistie. En célébrant l’Eucharistie, les chrétiens renouvellent leur mode de participation au mystère du Christ. J’aime l’Eucharistie parce que j’aime le Christ. Venir à la Messe est une réponse à l’invitation, à l’appel de Dieu. Nous disons cela parce que le Christ est réellement présent dans l’Eucharistie pour nous donner sa vie. Et c’est un acte de foi. Douter de l’Eucharistie, c’est douter de la présence réelle du Christ qui nous embrase de son amour. C’est dans cette intimité permanente avec le Christ que notre vie se renouvelle, prête pour affronter les défis de notre temps.
Frères et sœurs,
Nous découvrons dans le mystère de Pâques que le Fils de Dieu a tout assumé de notre condition humaine à l’exception du péché (Cf. Ph 2,4-11). Il est mort pour nous sauver du péché, de la mort éternelle. Le salut qu’il apporte n’est pas uniquement destiné à une confession religieuse ni à un peuple qui en ferait son apanage. C’est un don gratuit à toute l’humanité. La victoire du Christ sur la mort a rétabli l’Homme dans sa dignité originelle. En célébrant la Résurrection du Christ, nous sommes invités à en être les messagers, surtout envers nos frères et sœurs qui vivent encore dans le repli sur soi, dans la peur et dans l’indifférence, ceux qui sont tellement déçus et attristés par les vicissitudes de ce monde. Souvenons-nous des femmes qui revenaient du tombeau toutes joyeuses pour annoncer aux disciples que le Christ est
vraiment ressuscité (Cf. Mc 16, 7).
Ainsi, dans le mystère chrétien en général, la Pâques est le passage de l’esclavage à la liberté (Cf. Ex 14), de la mort à la vie (Cf.Rm8, 11), du péché à la sainteté.
En Centrafrique particulièrement, la Pâques de cette année invite à passer de la haine à l’amour, de la destruction à la construction, de la vengeance à la réconciliation, de l’exclusion à l’inclusion, de la rancœur à la tolérance, de la malédiction à la bénédiction, de la paresse au travail.
Par l’intercession de la Vierge Marie, la Mère de l’Oubangui, et de saint Joseph, le patron de l’Église universelle, devenons tous d’authentiques témoins du Ressuscité dans nos différents milieux de vie pour notre monde d’aujourd’hui.
Amen