Université Catholique d’Afrique de l’Ouest – Unité universitaire à Abidjan (UCAO/UUA), 21-25 juin 2021
» L’occasion m’a été donnée de participer au colloque international d’Abidjan sur « Le développement de l’Afrique à l’épreuve des crises : les chemins de la résilience » .
Les médias utilisent souvent ce terme résilience, sans forcément en préciser le sens. Faire preuve de résilience, c’est être capable de se reconstruire après un moment difficile. Il s’agit pour l’être humain de se dépasser, mais surtout de s’accrocher (à quoi ?) et de ne jamais baisser les bras. Des crises et des calamités de tous ordres ont marqué notre monde ces dernières décennies : VIH Sida, virus Ebola, crise des subprimes mais aussi terrorisme, attentats et traumatismes qui y sont liés. L’exemple de la pandémie de la Covid-19 est palpable et, malgré les vaccins, reste une source d’angoisse partout dans le monde.
Les effets de ces crises sur l’Afrique s’avèrent incalculables à plus d’un titre. Obligés souvent de se mettre en autarcie, les États accentuent les pénuries de biens de consommation du fait de la réquisition des unités de production nationale à des fins sanitaires. Les crises sanitaires provoquent des crises économiques, financières, politiques et même sociales. Les conséquences sont drastiques pour les pays africains déjà très fragiles et dépendants des cours des matières premières.
À partir des résultats d’une analyse rapide, nous pourrions affirmer que les pays africains ne disposent pas de moyens de veille pour faire face à ces multiples crises. Il n’est même pas facile de savoir de quoi l’on meurt, tant les moyens sanitaires sont limités. Et pourtant, les sociétés africaines et l’économie africaine semblent développer des systèmes d’alerte rapide permettant aux populations de résister à divers chocs. L’Afrique ne semble pas manquer de résilience ! Que propose-t-elle sur le chemin de la résilience, hier comme aujourd’hui ? En quoi cela consiste-t-il ?
Grâce à ce colloque international, l’UCAO/UUA a voulu créer un cadre de réflexion sur les conditions pouvant permettre de tracer « … les chemins de la résilience » . Les débats pluridisciplinaires, à la fois théoriques et empiriques, ont abouti à des recommandations qui serviront de socles à la construction de cette résilience dans tous les domaines de la vie des populations africaines : économie, santé et sécurité, religion et anthropologie, communication, droit et philosophie, politique, sociologie, etc.
Les réflexions et contributions ont été construites autour de quatre thématiques constituant les axes du colloque :
Le premier axe s’énonce ainsi : « Identité et croyances en Afrique : facteurs de résilience » . Le terme « Identité » renvoie aux questions suivantes : « Qui suis-je ? » ou « Qui dois-je être ? » ou encore « Qui sommes-nous devenus ? » . Confrontés à diverses crises, que deviennent les Africains ? Nos relations sont-elles modifiées et dans quels sens ? Changeons-nous d’identité ou ajustons-nous nos manières de vivre aux crises et à la réalité qui semblent s’imposer à nous ? Comment résistons-nous ? Quels choix les Africains doivent-ils opérer aujourd’hui, notamment en matière de croyances ?
Le deuxième axe a focalisé l’attention des chercheurs et participants sur « les dynamiques historiques de la résilience » . L’histoire du continent africain est émaillée de péripéties. Différents moments de cette histoire ont mis les Africains à l’épreuve de la résilience. Les contributions au niveau de cet axe ont permis d’analyser les dynamiques historiques.
C’est au niveau de cet axe qu’il faut situer la communication que j’ai proposée sur « Pluie, rites et résilience. Retrouver l’équilibre dans les sociétés traditionnelles des Bwa ou Bwaba (Mali et Burkina Faso) » . Quand le croyant prie afin qu’il pleuve et que la pluie n’arrive pas, que doit-il faire ? Recourir aux pratiques cultuelles anciennes ou adopter de nouvelles pratiques, en se convertissant par exemple à l’islam ou au christianisme ? Le manque de pluies ou leur irrégularité provoquent des crises dans les régions rurales où la réussite de la saison agricole dépend exclusivement de la pluviométrie. Quelles solutions les différents responsables proposent-ils pour « rebondir » ? L’évocation de la sécheresse de 1972-1974 et les rites qui ont favorisé la résilience des adeptes des religions traditionnelles africaines (RTA) à Mandiakuy, lieu où se sont installés les premiers missionnaires chez les Bwa, permettent d’orienter le chercheur vers ce que nous pourrions appeler résilience anthropologique et sociale. Les crises ne sont-elles pas des occasions pour le croyant de réfléchir, de se convertir et de tisser de nouvelles relations avec son Créateur, ses semblables et le cosmos ?
Le troisième axe retenu est : « Développement de l’Afrique et résilience » . Le développement économique de l’Afrique ne peut se faire sans les Africains ; il passe nécessairement par la réduction du chômage, de la pauvreté, mais aussi par l’amélioration du niveau d’éducation et de la santé des populations. Ce qui suppose l’engagement de tous, avec une réelle lutte contre la corruption. Peut-on parler d’un développement économique résilient ?
Un quatrième axe du colloque a retenu l’attention des organisateurs, chercheurs et participants : « Droit, gouvernance et communication en Afrique » . La résolution des crises relève en grande partie du politique en termes de gouvernance, de responsabilités et d’enjeux, sans oublier la capacité à gérer les crises et les conflits, les violences de toutes sortes, les sanctions et les prisons. Comment mobiliser des moyens de communication pour diffuser les informations importantes et exiger de la transparence de la part des pouvoirs publics ? Comme tendre vers une clarté dans la gouvernance ?
Si les actes de ce colloque sont publiés un jour, je vous les présenterais volontiers. En attendant, que ces idées vous aident à penser aux Africains et à soutenir Aide aux Églises d’Afrique. »
Pierre Diarra, théologien
Paris, le 21 juillet 2021