L’archevêque métropolitain de Bangui s’adresse à la communauté chrétienne de son archidiocèse, aux hommes et femmes de bonne volonté :
» Chers frères et sœurs dans le Christ et vous tous, hommes et femmes de bonne volonté,
La liturgie de ce temps de l’Avent nous prépare à Noël, lieu de notre rencontre où s’achève notre marche comme une halte spirituelle. Cette halte spirituelle n’est pas un temps de relâchement mais plutôt un temps où notre marche prend sa couronne de rencontre avec Emmanuel (Dieu est avec nous). Cette marche a un ancrage liturgique et ecclésial qui nous permet de vivre l’esprit de la synodalité.
En effet, le contexte actuel de notre Église universelle, et de notre Église archidiocésaine, est marqué fortement par la synodalité voulue par le Saint Père François.
La synodalité de l’Église nous met d’abord au cœur de la Communion, c’est-à-dire une Église qui tire sa source d’existence dans la Trinité.
Elle nous met ensuite dans la Participation, c’est-à-dire une Église qui vit de la coresponsabilité de tous ses membres.
Et enfin elle nous situe dans la Mission, c’est-à-dire une Église qui ne s’enferme pas sur elle-même mais qui est appelée à sortir pour rejoindre le cœur de l’humanité.
Mon message comporte deux intentions importantes : vivre le temps de l’Avent et de Noël dans le contexte du synode et quelques pistes d’orientation.
1. Vivre le temps de l’Avent et de Noël dans le contexte du synode
L’Église tout entière qui est en marche, c’est chaque chrétien qui est en mouvement vers la lumière qui l’attend : le Sauveur nous est donné.
Le paysage biblique nous montre à suffisance que « la marche » est une dynamique dans notre relation avec Dieu. Un peuple de divers horizons, un seul Dieu, une seule foi, sont des constituants de cette « marche ». Le peuple vit une marche constante vers un objectif d’Alliance et d’obéissance à Dieu dans une attitude d’écoute.
En effet la marche est un lieu d’expériences, forte d’humanité. L’homme à travers la marche apprend à se connaître. Une marche physique extérieure et une marche intérieure sont à la fois un temps d’épreuves et de fidélité à l’Alliance. Là, on découvre sa capacité d’endurance, de persévérance et surtout de sa fidélité à Celui qui nous appelle. Elle constitue un élément primordial dans la Bible : la marche d’Abraham vers le lieu que Dieu lui indique (Gn 12-17) ; la marche du peuple d’Israël de l’Égypte vers la Terre promise (Ex 14, 15-31) ; Dieu se donne à rencontrer et se fait reconnaître en chemin comme l’expérience des disciples d’Emmaüs (Luc 24, 18-35). Le peuple est appelé à continuer cette marche car elle traduit sa fidélité à Dieu.
Dans cette dynamique de la marche il y a un aspect de « perte ». Se mettre en marche c’est déjà se voir perdre une partie de soi pour se mettre à la suite de Celui qui nous appelle. Or cette marche comporte la perte des sécurités, des protections, des valeurs, des conforts, des idéologies, des conceptions afin de se mettre en route avec confiance vers l’objectif de la rencontre qui est de voir la Lumière (…).
La marche est l’antidote du danger de la sédentarité ; danger de ne plus compter sur Dieu mais sur ses propres forces. Être sédentaire, c’est tomber dans la suffisance et l’inertie ; or la marche consiste à se refaire pour rester fidèle à l’Alliance que Dieu a conclue avec nous.
2. Quelques pistes d’orientation.
À la lumière de tout ce qui précède, il nous faut quelques orientations concrètes pour vivre ce temps de grâce par lequel Dieu se manifeste à nous à travers son Fils : Emmanuel.
Le vocabulaire de la marche revient ici pour nous aider à vivre notre synodalité.
a. Marcher ensemble comme une communauté archidiocésaine.
La notion de la communauté revient ici pour marquer l’importance de notre appartenance à une Église archidiocésaine. La dimension communautaire est donc essentielle à l’Église pour que puissent être vécues et partagées en elle les vertus théologales et qu’une telle communion, ayant atteint le «cœur» de chaque croyant se déploie aussi à un plan de réalisation communautaire, objectif et institutionnel. C’est en effet dans cette perspective que la marche vers Noël trouve son sens de synodalité dans une dynamique de discernement, de dialogue à tous les niveaux, de conversion pastorale et de repenser notre manière de vivre en Église à la Lumière qui est l’aboutissement de ladite marche (…).
b. Marcher ensemble comme une famille chrétienne.
À l’exemple de Marie et Joseph (Luc 2, 1-5), nous voyons une famille en marche. Une marche avec l’autre n’a jamais été muette. C’est toujours un temps fructueux d’échange, de communication et aussi de partage. Ce temps apporte l’intimité de cœur, de pensée et des objectifs communs à réaliser.
Nous sommes une Église famille de Dieu. Or nous savons que la famille est un don de Dieu. Elle demeure le socle de la société. Elle reste le lieu de partage, d’échange, de l’éducation, de l’amour, de donation et de protection de vie. C’est dans la famille que chacun s’identifie culturellement. C’est le lieu d’initiation, de la transmission des valeurs culturelles, humaines et religieuses. Notre marche comme une famille chrétienne ne trouve son sens qu’à l’intérieur même de l’Église archidiocésaine.
La famille est une école de la vie chrétienne qui prend en compte : les communautés presbytérales et religieuses, les mouvements, fraternités, les groupes de prière et de service. En Église nous sommes une famille où chacun selon son entité est appelé à vivre la synodalité avec les autres.
c. Marcher ensemble c’est être à l’écoute de la Parole de Dieu.
Le synode sur la Parole de Dieu nous invite à remettre la Parole de Dieu au centre de notre relation avec Dieu et a pour grandes articulations suivantes :
La Voix de la Parole : la Révélation
Le Visage de la Parole : Jésus-Christ
La Maison de la Parole : l’Église
Les Chemins de la Parole : la Mission
Au travers de ces quatre étapes, comme communauté chrétienne, chaque baptisé dans sa marche, mais aussi avec les autres, est à l’écoute constante de la Parole de Dieu. Car nous sommes nés de la Parole de Dieu.
d. Marcher ensemble comme témoin d’une nouvelle vie dans la société.
Avec la naissance de l’Enfant-Jésus, une nouvelle vie nous est donnée. Nous sommes nés de nouveau pour marcher ensemble et vivre la joie comme témoins de la nouvelle naissance.
Nous les chrétiens, comme disciples de Celui qui est venu sauver le monde, nous avons la responsabilité particulière: celle de vivre le message de l’Évangile et de le transmettre.
En même temps qu’il faut dénoncer avec audace les injustices structurelles de nos sociétés, c’est à nous, chrétiens, d’annoncer par notre manière d’être au monde, par notre culture, d’autres modes possibles de vivre en société. Le message de l’Évangile reste identique. C’est à nous, chrétiens, de le vivre et de le traduire dans des comportements qui tiennent compte de l’environnement proche et lointain.
e. Marcher ensemble vers la Lumière.
Face à tant d’hommes et de femmes de notre pays que l’obscurité enveloppe, les chrétiens doivent représenter une espérance collective, certaine, libératrice. Mais il faut que s’incarnent en eux-mêmes l’énergie de la solidarité fraternelle et la foi en notre destin. Marie dans sa marche porte le destin, l’espérance de toute l’humanité et chacun de nous le fait de même pour sa propre communauté.
Cette espérance est fondée d’abord sur la foi en Jésus-Christ toujours présent à notre monde. C’est à nous de rappeler sa présence en vivant de lui et de son Évangile, en motivant consciemment et sans ambiguïté, sans fausse pudeur notre action et nos divers engagements, qui n’auraient pas de sens pour nous, sans référence à Dieu : notre mission est de dissiper l’obscurité dans laquelle se trouvent nos concitoyens.
Dans un contexte de corruption de la société par certaines pratiques sans éthiques et d’indifférence, les chrétiens doivent montrer clairement que leurs comportements vis-à-vis de leurs frères humains et de la société centrafricaine sont inspirés fondamentalement et nécessairement par leur foi en Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. Cette foi les rassemble pour la prière et la participation commune à l’Eucharistie. Cette foi ouvre des perspectives à l’accueil de tout homme : protestant, musulman, et autres comme un frère en Jésus fait homme, donc sans aucune discrimination. Il s’agit pour nous chrétiens de nous conformer à l’Évangile de Jésus-Christ mais aussi d’être en union fraternelle avec tous nos frères et sœurs humains.
Chers frères et sœurs dans le Christ, la préparation à la célébration de Noël pour cette année, est une marche véritable pour le bien de tous. Il nous faut nous mettre à l’écoute du prophète Isaïe, qui nous montre comment nous faire violence pour sortir de notre obscurité et regarder la Lumière.
Nous sommes conscients que le chemin est long et difficile, surtout que notre obscurité est caractérisée par les violences de tout genre : la cupidité et l’arrogance, les atrocités, etc. Notre marche ensemble comme communauté de croyants doit susciter un désir orienté vers une promesse : un enfant nous est né, un Fils nous est donné.
Marqués par la vertu de l’attente, la Lumière vient dissiper nos ténèbres. Marqués par le désir de voir la Lumière, nous nous joignons au chant des Anges : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, paix aux hommes sur la terre ».
Cette « marche » vers l’Enfant Jésus, nouveau-né, la Lumière, ne peut que se faire en compagnie de Marie et Joseph. Que Marie, Notre Dame de l’Oubangui, nous porte au cœur de la Lumière de son Fils. »
Bangui, le 28 novembre 2021, 1er dimanche de l’Avent